L’Invitation au ‘Bal des voleurs’ de Jean Anouilh (Théâtre Kléber-Méleau, Lausanne)
Dans nos provinces éloignées, ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de revoir et de réentendre les pièces de Jean Anouilh, et c’est avec un immense plaisir que j’ai pu assister au Bal des Voleurs, cette délicieuse comédie fantasque, une oeuvre de jeunesse qui fait partie des « Pièces roses » de l’auteur.
L’intrigue ? La rencontre, à Vichy – ville d’eaux, ville bourgeoise par excellence –, entre trois pickpockets peu efficaces et une famille d’originaux anglais en villégiature, dont les deux filles, assez particulières, sont à marier, ce qui entraîne quiproquos et fantaisies de toutes sortes.
Dans une mise en scène drôle et intelligente de Robert Sandoz, et dans une scénographie facétieuse de Nicole Grédy, c’est toute la drôlerie et le second degré d’Anouilh qu’on retrouve, ces situations, ces répliques rapides, ces apartés, ces faux coups de théâtre, qui sont à la fois un pastiche du théâtre de boulevard dans ce qu’il a de plus attendu et un renouveau de ce même théâtre, qui, par la verve de ses répliques, devient comédie de moeurs dans la grande tradition anglaise – je pense en particulier à De l’importance d’être Constant d’Oscar Wilde, chef-d’oeuvre du genre.
Robert Sandoz a su parfaitement rendre hommage à cette comédie-ballet à la Molière, tout en la mettant au goût du jour par quelques artifices tout à fait justifiés : deux musiciens accompagnent, ponctuent, rythment, illustrent l’action sans jamais l’écraser, les comédiens masqués parcourent la scène en une chorégraphie savamment étudiée qui rappelle la gestuelle de la Commedia dell’arte, les costumes sont stylisés et colorés en accord avec un décor astucieux, tout aussi stylisé et coloré, le tout rappelant de manière décalée les fameux "costumes de Roger Harth et les décors de Donald Cardwell" d’Au théâtre ce soir.
On rit aux éclats et on sort de ce spectacle en se disant qu’on aimerait bien un peu plus de comédies et un peu moins de sombres performances dans les théâtres environnants, qui semblent avoir oublié que la comédie est un art noble.
Bravo à tous les comédiens, David Casada, Laurent Deshusses, Marie Druc, Fanny Duret, Jérôme Glorieux, Baptiste Gilliéron, Joan Mompart, Florian Sapey et Anne-Catherine Savoy, et à Olivier Gabus et Éloi Henriod, les deux musiciens.
©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2017).
Photo©Guillaume Perret, 2017
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